Ensuite, les deux systèmes diffèrent dans les modalités du transfert.
Dans le système de cotisation-répartition, la cotisation prélevée sur les actifs est versée directement aux retraités.
Dans le système de l’épargne-capitalisation, l’épargne prélevée sur les actifs est transférée à des organismes financiers qui gèrent les fonds et qui versent en même temps une retraite-rente aux retraités.
La logique contraire des deux systèmes montre que leur coexistence harmonieuse n’est pas possible sur le long terme.
Le système des retraites par répartition est en situation plus favorable si la masse salariale progresse : plus d’emplois, et des salaires plus élevés.
Le système des retraites par capitalisation est en situation plus favorable si la rente progresse et si la concentration capitalistique se poursuit ; on sait que ceci s’obtient notamment par une masse salariale contrainte : moins d’emplois et des salaires diminués.
Les actifs des organismes financiers qui gèrent l’épargne capitalisation sont composés d’obligations et d’actions. Or, un bon rendement des obligations suppose des taux d’intérêt réels élevés. Ce serait alors effectuer un choix en faveur de la finance contre la croissance réelle, laquelle a été durablement tirée vers le bas, justement par l’existence de ce différentiel entre taux d’intérêt et taux de croissance du produit national. Une telle politique qui joue contre l’emploi « sape » les bases de financement de la répartition. Un bon rendement des actions suppose de comprimer la masse salariale au maximum pour permettre aux profits de croître. Dans tous les cas, ce sont les ressources du système par répartition basé sur les salaires qui en seront affectées. Son dépérissement est donc inscrit dans la logique de l’accumulation financière. Les bons rendements boursiers n’existent que dans la mesure où les salaires, et donc les retraites, voient leur pouvoir d’achat contenu.
Un système de retraite où le régime de base - droit commun - serait la répartition, auquel serait adjoint un régime par capitalisation complémentaire-obligatoire, ou volontaire-optionnel, individuel ou collectif, ferait apparaître les oppositions entre le capital et le travail dans la rémunération des retraités : les rentiers ont intérêt à la multiplication des plans sociaux ; les salariés ont intérêt au plein emploi et à l’augmentation des salaires. Et, dans les entreprises, ce sont les détenteurs des capitaux, propriétaires, qui ont le pouvoir de décision, pas les apporteurs de travail. Leurs décisions iront régulièrement dans le sens d’une meilleure rémunération du capital, et d’une moindre rémunération du travail. Ce qui sert d’assiette et de base à la répartition serait donc progressivement rogné. A terme donc, ce serait le système « capitalisation » qui grignoterait le système « répartition ».
Pour qu’il en aille autrement, il faudrait que le pouvoir de décision dans les entreprises soit totalement inversé. On sait que les entreprises vivent actuellement par des apporteurs de travail, par des apporteurs de capital, par des managers, par des fournisseurs, par des clients, par les collectivités locales et territoriales, par l’Etat, etc. Mais le pouvoir décisif suprême appartient aujourd’hui à ceux qui ont le pouvoir au sein des conseils d’administration des entreprises, c’est-à-dire aux principaux apporteurs de capital. Le fait de rendre les salariés actionnaires de l’entreprise où ils travaillent n’y changerait rien.
L’actionnariat salarié, tel qu’il est actuellement mis en place, est essentiellement une méthode utilisée par les employeurs pour tenter « d’intéresser » les salariés au rendement financier de leurs entreprises. C’est à rapprocher d’un système de primes qui bénéficieraient d’avantages fiscaux et sociaux personnels pour les entreprises et pour les salariés. Ces exonérations fiscales et sociales conduisent notamment à réduire les rentrées sociales et les recettes fiscales. Les salariés qui pourraient être actionnaires de l’entreprise où ils travaillent n’auront jamais les moyens, même regroupés, d’intervenir dans les choix stratégiques de l’entreprise. Leur poids, même collectif, restera toujours réduit par rapport aux principaux actionnaires extérieurs.
L’actionnariat salarié ne pourra donc modifier en rien les décisions que voudront prendre les principaux propriétaires de l’entreprise et qui iront vers une meilleure rémunération du capital et une moindre rémunération du travail. L’actionnariat salarié maintient la co-existence impossible entre la capitalisation et la répartition.
L’Union Syndicale Groupe des 10 Solidaires est donc contre tout système de capitalisation - principal ou accessoire - obligatoire ou optionnel - collectif ou individuel qui serait favorisé par des avantages/exonérations sociales chez l’employeur et fiscales chez l’épargnant retraitable.