Swissair voulait le contrôle total de ces compagnies, mais en tant qu’entreprise hors de l’Union Européenne, ne pouvait obtenir que 49,9% du capital. Les contrats ont été signés en respectant ce seuil, mais dans les faits, grâce à un système complexe de portage, d’options de vente et achat négociables et de financements « non transparents », Swissair a « pris à sa charge le risque économique et financier entier », relève M. Canepa.
Vis-à-vis de l’extérieur, Swissair indiquait toujours qu’il s’agissait de participations minoritaires, et tout son système obscur de contrôle total lui aura coûté finalement plus d’un milliard FS (660 M EUR), indique encore le rapport.
Swissair n’a en outre pas consolidé comme il l’aurait dû ces participations dans ses comptes annuels, car toutes ces structures clandestines seraient apparues au grand jour, note le rapport.
Swissair avait décidé dans les années 90, avec le feu vert de son conseil d’administration, composé de la fine fleur du monde économique, bancaire et politique suisse, de devenir la 4e compagnie aérienne européenne. A cette fin, la compagnie a procédé à plus de neuf acquisitions en quelques années, payant souvent le prix fort pour des sociétés mal en point. Entre 1995 et 2001, Swissair a dépensé 5,9 milliards FS pour ces acquisitions et les différentes recapitalisations, alors qu’en principe un seuil maximal de 300 millions FS avait été fixé par le conseil d’administration.
Toutes ces jongleries financières ont grevé les comptes 2000 et 2001, sans que les commissaires aux comptes n’aient relevé d’irrégularités, souligne encore Ernst and Young. La situation financière de Swissair était déjà gravement compromise en août 2000, avec un rapport réalisé par le cabinet McKinsey, faisant état d’un manque de capitaux estimé entre 3,2 et 4,4 mds FS. Informé, le conseil d’administration n’a pris aucune mesure, et la direction a continué à proclamer que le groupe allait faire des bénéfices.
Début 2001, le PDG Philipp Bruggisser est débarqué, et Mario Corti, ancien responsable des finances de Nestlé prend le relais. Il est cependant trop tard pour redresser la situation, et le groupe dépose le bilan en octobre 2001, au grand désespoir des Suisses, qui voient disparaître leur compagnie bien-aimée.
Le rapport Ernst and Young, de plus de 5.000 pages, a été commandé pour tenter de trouver les responsables de ce naufrage économique et de leur demander éventuellement réparation. Le liquidateur, Me Karl Wüthrich, doit essayer de donner satisfaction aux milliers de créanciers de Swissair, qui réclament aujourd’hui réparation.
Vendredi, Me Wüthrich a indiqué qu’il examinerait avec des avocats les chances d’une action judiciaire en réparation contre les responsables de la débâcle, en fait les membres du conseil d’administration et de la direction.
Si une telle action a des chances d’aboutir, elle sera intentée, a-t-il dit, et ce sera « au juge de fixer le montant des dédommagements », qui sera prélevé sur la fortune personnelle des prévenus, au cas où ils n’auraient pas conclu d’assurance ad hoc.