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Comprendre la retraite

7 - Contre les fonds de pension « français »

vendredi 17 janvier 2003, par SOLIDAIRES .


 Créer des fonds de pension « français » pour « reprendre le controle des entreprises françaises ?

Mis à mal par les critiques, les partisans des fonds de pension ont avancé d’autres « arguments » que le financement des retraites pour imposer leur mise en place. Nous ne sommes plus alors dans le débat sur les retraites ; ce sont d’autres questions qui sont posées : le financement des entreprises, la capitalisation en France, la direction et le management des entreprises, etc.

 La colonisation organisée de la France par les fonds de pension étrangers ?

Il nous est tout d’abord dit que les fonds de pension anglo-saxons possèdent entre 30 % et 40 % du capital des grands groupes côtés en bourse à Paris. Et que la création de fonds de pension « français » permettrait d’opérer un rééquilibrage pour garder, ou reprendre, le contrôle de ces entreprises.

Ainsi, les mêmes qui prônent la totale liberté de circulation des capitaux, qui ont notamment participé à sa mise en place en France, qui ont pris des dispositions législatives et réglementaires pour rendre la place de Paris attractive aux capitaux étrangers, se plaignent maintenant des conséquences de leurs choix. En effet, des opportunités gigantesques ont été offertes aux capitaux étrangers (désignés, pour la cause, « investisseurs »), particulièrement lors des opérations de privatisation des entreprises publiques. Des dispositions fiscales très favorables ont été prises à l’égard des résidents à l’étranger, ce qui rend leurs capitaux placés en France encore plus rentables.

C’est Nicolas Sarkozy, Ministre du Budget en 1993, qui a pris la décision d’accorder aux fonds de pension étrangers le bénéfice du remboursement partiel de l’avoir fiscal dans la limite de la retenue à la source de 15 %
exigée normalement des investisseurs étrangers. La France est le seul pays européen à faire bénéficier ses nonrésidents du remboursement de l’avoir fiscal. Le Conseil National des Impôts chiffre le coût de cette mesure à 24 milliards de francs sur huit ans pour le budget de l’Etat. Le texte « Sarkozy » crée entre les fonds de pension étrangers et les investisseurs français un différentiel de rendement. Les non-résidents ont une espérance de gain majorée par cette fiscalité privilégiée ; ils seront donc prêts à payer un prix plus élevé que les investisseurs résidents.

Les investisseurs résidents n’arrivent plus « à suivre » le coût d’acquisition ; ils sont amenés à vendre, en réalisant souvent des plus-values, ce que des non-résidents vont acheter. Sauf modification des dispositions fiscales actuelles, ce mouvement ne peut que se poursuivre et s’accélérer. Il n’était manifestement pas nécessaire de prendre une telle décision pour permettre la capitalisation des entreprises françaises : l’épargne disponible en France est importante. Ainsi, les particuliers français se sont portés acquéreurs de plusieurs fois la quantité de titres qui leur était réservée lors des privatisations des quinze dernières années. Les entreprises privatisées auraient donc pu demeurer « sous contrôle français », en ne fixant aucune limite aux résidents,… ou, encore mieux, en ne les privatisant pas.

Le transfert entre les mains de non-résidents du capital des sociétés françaises diminue par ailleurs le rendement de l’imposition du capital en France ; et ceci a des conséquences d’autant plus graves pour le budget de l’Etat que la part du capital dans la valeur ajoutée continue d’augmenter, et la part des salaires de diminuer. Il est donc bien vrai que des entreprises « françaises » sont progressivement contrôlées de l’étranger, que les bénéfices qu’elles réalisent à partir de l’activité des travailleurs en France financent en partie les retraites outre-
Manche et outre-Atlantique, et que cette répartition de bénéfices ne procure rien au budget de l’Etat français.
Pour éviter une telle situation, il ne fallait pas prendre les mesures qui l’ont permise.

 Et l’exploitation de la France par des fonds de pension français ?

Le développement de fonds de pension « français » ne changerait guère les choses. Des fonds de pension français, comme leurs homologues anglo-saxons, chercheront à valoriser au maximum leurs investissements, en
les plaçant là où la rentabilité sera maximum, et à les sécuriser en les diversifiant. Ils investiront, eux-aussi, en France, mais également sur les bourses étrangères. Leur capacité à reprendre le contrôle des entreprises françaises en serait limitée d’autant.

Au-delà de la faisabilité de l’opération, c’est surtout son objectif qu’il faut questionner. Le contrôle par des capitaux nationaux n’a d’intérêt que s’il induit des politiques économiques, industrielles, ou sociales différentes de celles menées par les capitaux étrangers. L’exemple nous est parfois donné de quelques fonds de pension canadiens ou états-uniens qui pratiquent des choix « éthiques » (respect de l’environnement, des conditions de travail et d’emploi, de dispositions sociales, etc). Mais cette démarche reste toujours minoritaire ; elle relève de comportements civiques ne recherchant pas la rentabilité financière. Les personnes qui y placent des capitaux ne recherchent pas à garantir leur retraite. Des fonds de pension français dont l’objectif serait le versement de rentes à des retraités français ne pourraient avoir que le comportement de leurs homologues anglo-saxons : exigence de taux de profit toujours plus élevés, même si cela doit se faire au détriment de l’emploi, de l’environnement, etc. Les patrons « français » licencient ; des fonds de pension « à la française » feraient de même.

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