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Le ciel se dégage pour Corsair

mardi 25 février 2003, par Bureau national Sud Aérien .


Devenue la deuxième compagnie aérienne française depuis la disparition d’Air Lib, Corsair a su imposer sa personnalité dans le ciel hexagonal. Après le rachat de sa maison mère Nouvelles Frontières par l’allemand TUI, elle a traversé une véritable crise d’identité, mais semble aujourd’hui prête à rebondir, en mettant notamment l’accent sur les DOM. 

C’est par une histoire à dormir debout que commence l’aventure de Corsair. En 1981, le propriétaire corse d’un village de vacances de l’île de Beauté achète aux enchères une flottille de quatre Caravelle pour le compte d’une connaissance... qu’il ne reverra jamais. Ses appareils sur les bras, il se résigne alors à créer une compagnie, Corse Air International, dont les avions, nonobstant une dénomination sociale ronflante, seront poncés puis repeints à la main par ses premiers salariés, dans un hangar d’Orly. A ses débuts, le transporteur vivra d’expédients. « Nous avons été la seule compagnie sous interdit bancaire. Les commandants de bord partaient avec des valises pleines de billets pour pouvoir payer le kérosène aux escales », se souvient Laurent Magnin, salarié de la première heure, et aujourd’hui directeur commercial.

En 1986, le hasard met heureusement Jacques Maillot, le patron de Nouvelles Frontières, sur la route de Corse Air. A la recherche d’un autre partenaire aérien - il ne veut plus dépendre du seul Minerve -, il lui apporte une aide financière conséquente, et lui permet ainsi de louer un, puis deux Boeing 737, synonymes de nouveau départ. Mais trois ans plus tard, à la suite de nouveaux errements stratégiques, Corse Air se trouve au bord de la faillite, avec un trou béant de 134 millions de francs (20,4 millions d’euros).

Il faudra toute la malice de Jacques Maillot pour sauver la compagnie après la tentative de la GMF de monter un grand groupe de tourisme, en faisant notamment cohabiter Corse Air et Air Liberté. En juin 1990, le patron de Nouvelles Frontières prend les commandes d’une compagnie recapitalisée. Tout va alors très vite : Corse Air devient Corsair, change de couleurs, et une nouvelle équipe dirigeante se met en place. A sa tête, Pierre Chesneau, le directeur technique d’Aéromaritime, filiale charter d’UTA.

 Coûts de production compressés

Jacques Maillot offre à Corsair son premier Boeing 747, et en promet un supplémentaire chaque année. Cet appareil va devenir un outil incontournable. Pierre Chesneau le revoit en effet de fond en comble : « Il a rasé le pont principal, a supprimé une partie des postes de travail et des toilettes pour gagner de la place, et, de 370 sièges, on est passé à 524 », rappelle Laurent Magnin. Ce que seuls les Japonais ont fait, et encore, pour leurs lignes domestiques. Cette densification va permettre d’abaisser de façon considérable les coûts de production, et devenir la marque de fabrique du transporteur, toujours seul en Europe à appliquer cette recette. Les cinq 747 qu’il exploite aujourd’hui, plus récents, sont même capables d’accueillir 580 passagers. C’est en grande partie grâce à ces « money makers » que la compagnie a pu aligner les exercices bénéficiaires, à quelques exceptions près, et rester rentable sur la desserte des DOM. Les années 1990, bien qu’émaillées de quelques échecs, notamment l’abandon des liaisons avec Nouméa, Cayenne et l’Afrique de l’Ouest, ont en effet constitué l’âge d’or de Corsair : en dix ans, son chiffre d’affaires et ses effectifs ont été multipliés par dix.

A la fin de cette décennie, l’achat de deux Airbus A330 neufs, payés 1 milliard de francs (152 millions d’euros), va être à l’origine d’un véritable tournant dans l’histoire de la compagnie. « J’assume ma décision, mais je la regrette encore », assène Jacques Maillot, longtemps opposé à cette acquisition avant de se ranger à l’avis général. Il y voit d’ailleurs la raison qui, avec de sévères problèmes informatiques, l’a contraint à se désengager de Nouvelles Frontières au profit du groupe allemand TUI. Depuis, l’un des deux avions a même dû être vendu, pour être ensuite reloué à un tarif très élevé (700.000 dollars par mois) au regard des conditions actuelles du marché. Ce qui n’arrange pas les affaires de Corsair.

Mais la situation la plus difficile à gérer pour le transporteur reste l’arrivée d’un nouvel actionnaire de référence en 2000. Une vraie crise d’identité s’en est suivie : de fille unique de Nouvelles Frontières, Corsair est devenue la benjamine des compagnies du groupe TUI, et ses salariés se sont sentis quelque peu délaissés, les rapports quasi familiaux tissés avec l’entreprise de Jacques Maillot ayant cédé la place à une logique de groupe.

 La distribution s’élargit

Le clash se produit en août 2002, lorsque sont annoncées 170 suppressions de postes. Il s’accompagne d’une grève générale, la première de l’histoire du transporteur. « Les employés de Corsair ont eu le sentiment de devenir un produit boursier 100 % allemand », résume Christophe Jouannic, délégué du syndicat SUD-aérien. Surtout, ce que les salariés ne comprennent pas, c’est la nécessité d’une restructuration alors que les résultats de Corsair sont positifs. La culture touristique de TUI, orientée vers le Bassin méditerranéen et le moyen-courrier, est montrée du doigt. Ralf Corsten, qui a succédé à Jacques Maillot à la tête de Nouvelles Frontières, s’en défend : « Le groupe Nouvelles Frontières est orienté sur le long-courrier. Mais, même si nous nous renforçons sur les DOM, les possibilités de développement restent plus limitées que sur le moyen-courrier, où nous ne sommes pas suffisamment présents. »

L’arrêt des activités d’Air Lib, en entraînant la suspension immédiate du plan social, a apporté une note d’optimisme. Corsair, qui souhaite monter en puissance pour récupérer une partie du trafic de feu sa concurrente sur les DOM, est à la recherche d’un sixième 747, synonyme de croissance et d’embauches : « Nous nous tournerons en priorité vers les ex-salariés d’Aérolyon, qui faisait partie de Nouvelles Frontières, puis vers ceux d’Air Lib », annonce Pierre Chesneau. En attendant de trouver ce Boeing supplémentaire, que les spécifications techniques requises transforment en oiseau rare, la compagnie va affréter, pour la saison estivale, un Boeing 767 de Britannia, autre compagnie du groupe TUI.

Les projets de développement passent aussi par un élargissement de la distribution. Corsair s’est affranchi du réseau Nouvelles Frontières, et vend désormais ses billets dans les agences traditionnelles. « Nous avons commencé aux Antilles en mars 2000. C’était un test, mais il a été concluant, puisque nous n’avons pas constaté de cannibalisation. En juin 2002, nous nous sommes lancés en métropole, en région parisienne d’abord, puis sur la France entière », explique Jocelyne Bonnal, directrice commerciale vols réguliers. De fait, près de la moitié de ce type de liaisons, qui représentent aujourd’hui 25 % du chiffre d’affaires, sont vendues grâce aux agences de voyages. Le remodelage du réseau est également en cours : de nouvelles destinations en vols réguliers sont à l’étude, parmi lesquelles Montréal, Dakar, Marrakech ou encore l’île Maurice. La deuxième compagnie aérienne française confirme ainsi sa stratégie : celle d’une compagnie à cheval sur le charter et les vols réguliers, ni trop grosse ni trop petite, essentiellement tournée vers le tourisme, et bien décidée à conserver sa place au soleil... même dans l’ombre d’Air France.

 PIERRE CHESNEAU, LE « PAPA » DE LA FAMILLE CORSAIR

« Dans la famille Corsair, je voudrais le père. » A cinquante-sept ans, Pierre Chesneau, le PDG, reste un personnage clef de la réussite du transporteur. Après dix-sept années passées chez UTA, puis trois comme directeur technique d’Aéromaritime, sa filiale charter, il a rejoint Corsair en 1990, à l’invitation de Jacques Maillot. Depuis 2001, il est seul aux commandes, une responsabilité que lui a confiée Ralf Corsten, président de Nouvelles Frontières. Quoi de plus naturel ? « Corsair est véritablement son bébé », estime un délégué syndical. Architecte des gros porteurs de la compagnie, cet ingénieur aéronautique, qui ne se déplace qu’à moto, connaît son Corsair sur le bout des doigts, et il lui est difficile d’arpenter les longues passerelles métalliques du siège sans saluer tous ceux qu’il croise sur son passage. S’il est apprécié de ses salariés, c’est d’ailleurs beaucoup parce qu’il a su instaurer une réelle simplicité dans ses rapports avec les autres. Son goût prononcé pour le tutoiement constitue à cet égard une véritable signature. « Il n’est pas fantasque, mais sa personnalité peut être surprenante au premier abord et certaines de ses initiatives aussi », nuance pourtant un de ses collaborateurs. La croisade anti-tabac qu’il a menée au sein de Corsair en est un bon exemple : chaque semaine, un médecin spécialisé mettait ses compétences au service de ceux qui souhaitaient arrêter de fumer. Et la compagnie allait jusqu’à leur rembourser les timbres nicotiniques. Ses méthodes de management reflètent quant à elles la confiance qu’il accorde à ses collaborateurs : les cinq directeurs généraux jouissent d’une entière liberté dans la gestion de leurs domaines de compétences. La recette semble plutôt bien fonctionner, même si certains regrettent de ne plus voir Pierre Chesneau s’impliquer « comme avant » dans la marche de l’entreprise. Probablement est-ce parce qu’il se projette dans le futur. En particulier quand les 747 de la compagnie partiront à la retraite, à l’horizon 2005-2008. « Nous en reprendrons sans doute de plus récents. Mais si nous en avons les moyens, nous regarderons de près le 777 », prévoit-il déjà. Chassez l’ingénieur, il revient au galop

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