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Le capital peut continuer à payer les retraites !

lundi 16 juin 2003, par Fondation Copernic .


« Les riches peuvent-ils payer les retraites ? » se demande Thomas Piketty (Le Monde 11/06/03) avant de répondre négativement. A s’en tenir aux revenus déclarés, son argumentation semble difficilement contestable. Encore faudrait-il très largement la nuancer.

On sait que le Conseil des impôts a calculé qu’à peine 15 % de la masse des revenus du patrimoine entre dans l’assiette de l’impôt progressif, à cause de la fraude fiscale, mais surtout en raison des multiples possibilités d’évasion fiscale. Plus globalement, un tiers des revenus distribués ne se retrouve pas dans les déclarations fiscales. L’approche fiscaliste atteint donc vite ses limites. Mais surtout Thomas Piketty ne se pose pas la bonne question. Le problème n’est pas de « faire payer les riches », mais de savoir si le capital peut continuer à payer les retraites comme il le fait depuis 1945.

Car, c’est effectivement la logique profonde de la répartition. La retraite est partie constitutive du salaire. Chaque salarié touche un salaire direct et une cotisation sociale qui lui est proportionnelle. Celle-ci est transformée immédiatement en prestation de retraite dans un processus de large mutualisation. Une partie du salaire est donc ainsi socialisée et la retraite est une forme de salaire payée par le capital.

Thomas Peketty nous explique que « quels que soient l’intitulé et le mode de perception utilisés, tout prélèvement finit toujours par être payé intégralement par les ménages ». Si tel était le cas, on comprend mal l’opposition absolue du patronat à toute hausse des prélèvements. Notons au passage que le raisonnement de Thomas Piketty n’est pas exempt de contradiction. Si ce sont les ménages qui, en bout de course, doivent financer les retraites pourquoi diable envisager comme il le fait un partage des efforts entre hausse des prélèvements et augmentation de durée de cotisation ?

Le conseil d’orientation des retraites (COR) indique que si nous voulons maintenir le niveau actuel des pensions par rapport aux salaires, ce qui veut dire revenir sur les mesures Balladur de 1993 et évidemment rejeter le projet de loi actuel, il faudrait un peu plus de 6 points du revenu national, le PIB, à l’horizon 2040. En quoi cela est-il a priori problématique ? Le poids des retraites dans le PIB s’est accru de 7 points entre 1960 et 2000. Pourquoi ne pourrait-il pas croître dans une proportion similaire dans les prochaines 40 années alors même que le revenu national aura au minimum doublé à cet horizon ? Rien d’impossible, sauf à présupposer un « plafond de verre » au-dessus duquel les prélèvements ne pourraient plus augmenter. Un tel plafond n’existe évidemment pas et la seule question qui vaille est de savoir qui du travail ou du capital va supporter une telle augmentation.

Or nous savons que la part des salaires au sens large (salaires directs et cotisations sociales) dans le revenu national a baissé de 10 points en 20 ans à l’avantage des profits improductifs placés sur les marchés financiers et des dividendes versés aux actionnaires, l’investissement restant globalement stable sur la période. Un rééquilibrage est donc tout à fait possible. Le COR a calculé qu’il faudrait 15 points de cotisations supplémentaires à l’horizon 2040 pour financer les retraites, soit en moyenne une augmentation de 0,37 point par an. Le rééquilibrage de la part des salaires dans le revenu national peut prendre la forme d’une augmentation du taux de cotisation patronale. Une telle augmentation aurait des effets neutres sur la compétitivité des entreprises si elle était compensée par une baisse des dividendes ou des profits improductifs.

Mais, même dans le cas où la part des salaires dans le revenu national resterait ce qu’elle est aujourd’hui, l’augmentation des cotisations pour financer les retraites ne poserait pas de problème particulier. En effet, avec un revenu national qui au minimum doublerait à l’horizon 2040, le pouvoir d’achat des salariés serait, dans ce cas, multiplié par 1,8 au lieu de 2. Refuser toute augmentation des cotisations au prétexte qu’elle serait insupportable par les actifs a donc pour hypothèse implicite que, non seulement il n’y aurait pas de rééquilibrage de la part des salaires dans le revenu national, mais que celle-ci devrait continuer à baisser dans l’avenir.
Pour compléter notre démonstration, notons que les revenus distribués en 2001 par les sociétés aux ménages fortunés ont été de 46,1 milliards d’euros, soit plus que le besoin total de financement des retraites à l’horizon 2020 (43 milliards d’euros). lire C’est quoi, 43 milliards d’euros ?.

Alors oui, Thomas Piketty a raison de dire qu’il n’y a pas de « trésor caché ». En effet, le « trésor » n’est absolument pas caché. Le problème de financement des retraites relève, comme il le note par ailleurs lui-même, de la répartition des richesses. C’est donc à ce problème qu’il faut s’attaquer et c’est cette question qui est au cœur du conflit social actuel.

Pierre Concialdi (économiste), Pierre Khalfa (Union syndicale G10-Solidaires  ) sont membres de la Fondation Copernic et du Conseil scientifique d’Attac

1 Message

  • > Le capital peut continuer à payer les retraites ! 22 octobre 2003 10:46, par Pierre DAVID

    Juste quelques questions que je me pose..comment savoir ou en sera l’economie dans 20 ans avec certitude alors qu’on ne connait pas le taux de croissance d’une année sur l’autre ? notre richesse (en France) n’est elle pas plus ou moins acquise sur le dos des pays pauvres ? (toujours plus d’argent pour nous permettre de faire du tourisme dans les pays pauvres quand nous seront à la retraite..)et cette fameuse croissance obtenue grace à notre surconsomation qui met en peril à treme la planete ( pollution, gaspillage des ressources naturelles...)enfin pourquoi tout le monde ne peut il pas toucher le meme retraite ? apres tout on ne cotise pas pour soi (c’est ça la répartition)et si on peut parfois justifier (bien que cela puisse etre parfois discutable)des écarts dans les salaires du fait de compétences, formations, de responsabilités ou de peinibilité...., quand on est à la retraite , que l’on ait été manœuvre ou cadre on ne travail plus alors pourquoi des différences ( à mois que l’on considere que celui qui a ete pauvre durant sa vie professionnelle doive le rester - peut etre parcqu’il a l’habitude..) voila quelques questions que je me pose et il y en a plein d’autres.
    Je suis toujours syndiqué à la CFDT   et si je ne suis pas toujours d’accord avec les décisionS prises par ce syndicat , il a au moins le mérite d’éviter certaine démagogies ce qui ne me semble pas etre le cas du syndicat SUD car pendant que tous manifestaient ( avec FO et la CGT)le gouvernement supprimait des aides à certaines associations, projettait le RMA ( mesure aux concéquences incalculables)les lois SARKO , la suppression de l’"obligation des conseils généraux à consacrer 17% des indemenité RMI à l’insertion de ceux ci....et beaucoup d’autres choses encore.Mais tous cela ne touche que les pauvres et est moins mobilisateur que la défense du niveau de notre retraite ( Il faut bien essayer de recuperer des ahdérents)
    Je travaille chaque jour sur le terrain avec des allocataires du RMI et je constate chaque jour que peu se préoccupe de leur situation reelle ( sauf pour recupérer leur souffrance à des fins politiques)
    Nous vivons dans un climat politique de manipulation dont les extremes ont de mon point de vue une grande responsabilité, entre populisme, nationalisme qui ne veut pas dire son nom ( cf « antimondialisme »),et démagogie ;et moi je refuse de me faire manipuler et meme si personne ne trouve d’ interet à ma facon de voir, peut m’importe cela ne m’empechera pas de rester libre dans ce que je pense..
    L’extreme gauche Française (dont SUD est le sydicat) joue un jeu dangereux que nous paierons ( ou nos enfants) un jour .
    Prouvez moi que je me trompe , pour me rassurer...

    Pierre

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